dimanche 4 juin 2017

Le vieux cerisier

Nos prédécesseurs ont planté dans les années 70 deux cerisiers. L’un des deux est tellement vermoulu, branches mortes, écorce retournée, des trous dans le tronc, de la sciure plein les trous, que j’ai pensé le scier, comme ça, d’un coup, l’an passé. 

D’abord je me suis dit que le trou dans l’espace libre jusqu’à la clôture Nord resterait béant, jusqu’à ce que je replante un jeune plant, mais comment faire avec la souche ? Puis il a fleuri ce printemps. Plus question de le couper, tant les fleurs étaient belles. Et comme l’autre plus vif avait été élagué pour rabattre les branches partant dans tous les sens, il n’a donné ni fleurs ni fruits, et c’est sur le vieux que j’ai cueilli sur mon échelle les cerises du début juin.

Alors je vais le laisser, plein d’arthrose, de douleurs, et de rhumatismes, puisqu’il a encore les dernières forces de faire des feuilles vertes. Et je vais bien voir combien de temps il va tenir ainsi. Après tout, je fais de même avec mes douleurs, et me dis que c’est sympa qu’un cerisier-sénior tordu par les années produise toujours les mêmes fruits, si jolis et si goûteux, que quand il était jeune !


Ce cerisier est l’image des jubilados, il dure, profite des petits plaisirs de la vie, et fait profiter ses proches de ses fruits. Il donne à manger aux merles, et illustre la chanson de Cabrel :

T'avais mis ta robe légère
Moi, l'échelle contre un cerisier
T'as voulu monter la première
Et après

Y a tant de façons, de manières
De dire les choses sans parler
Et comme tu savais bien le faire
Tu l'as fait

Un sourire, une main tendue
Et par le jeu des transparences
Ces fruits dans les plis du tissu
Qui balancent

Il ne s'agissait pas de monter bien haut
Mais les pieds sur les premiers barreaux
J'ai senti glisser le manteau
De l'enfance

On n'a rien gravé dans le marbre
Mais j'avoue souvent y penser
Chaque fois que j'entends qu'un arbre
Est tombé
 
Un arbre, c'est vite fendu
Le bois, quelqu'un a dû le vendre
S'il savait le mal que j'ai eu
A descendre

D'ailleurs en suis-je descendu
De tous ces jeux de transparence,
Ces fruits dans les plis des tissus
Qui balancent ?

J'ai trouvé d'autres choses à faire
Et d'autres sourires à croiser
Mais une aussi belle lumière
Jamais

A la vitesse où le temps passe
Le miracle est que rien n'efface l'essentiel
Tout s'envole en ombre légère
Tout sauf ce goût de fièvre et de miel

Tout s'est envolé dans l'espace
Le sourire, la robe, l'arbre et l'échelle
A la vitesse où le temps passe
Rien, rien n'efface l'essentiel

J'ai trouvé d'autres choses à faire
Et d'autres sourires à croiser
Mais une si belle lumière
Jamais

Et voilà que, du sol où nous sommes,
Nous passons nos vies de mortels
A chercher ces portes qui donnent

Vers le ciel




PS : il y a pile deux ans :