samedi 30 juillet 2016

Cinq heures et douze secondes

il se fait des selfies en vol
ça plane pour T.

Voler en planeur est un exercice de persévérance : une fois obtenu le brevet, le nouveau challenge est de voler 50 heures. On pourra alors emmener un passager, un seul vu que le planeur ne comporte que deux places. Voler 50 heures suppose 50 remorquages au moins, si l’on vole une heure chaque fois. On estime qu’il faut une année pour voler ces fameuses cinquante heures. Sauf que s’il n’existe pas d’ascendances le vol peut se terminer en 20 minutes, ce qui est idiot vu qu’il faudra se faire remorquer trois fois, sachant que le coût sera 3 x 20 = 60 Euros : ça ne vaut pas le coup !

Par contre, pour peu que l’on reste en l’air plus longtemps, d’abord on s’amusera davantage, (par exemple à se retrouver en l’air au milieu d’un vol de buses qui passent leur propre examen), ensuite sur le simple plan de la rentabilité, on économisera de l’argent. Précieux pour un étudiant.

Les épreuves de pilotage sont intelligemment conçues car il faut au cours d’une période qui totalisera 50 heures rester au moins une fois, 5 heures (de suite) en vol. Comme la gravité fait que même un planeur doit se retrouver au sol un moment ou un autre, l’astuce consiste à se faire remonter par des ascendances. Encore faut-il qu’il y en ait. Les spécialistes les appellent « des pompes ». Et on les trouve sous les cumulus. Encore faut-il qu’il y en ait, généralement en été, ils précèdent les orages. Il faut donc venir avant. (et pas après). Etre libre à ce moment là, voilà pourquoi quand on travaille la semaine, il faut du temps pour tomber sur le moment propice un week-end.

Un pilote voyage donc en voiture au sol en regardant en l’air. Nous sommes samedi 23 juillet, et T. dont j’ai déjà parlé, observe la couleur du ciel. Elle est au beau fixe. Nous sommes environ 15 heures et il décide : -« il y a des pompes, je vais au terrain » ?

il faut le trouver : à gauche !
Coup de chance un planeur est libre. Coup de chance le remorqueur est libre. Quelques minutes après avoir réglé ses 20 Euros (en réalité c’est enregistré sur l’ordinateur qui va suivre tout le vol) notre T est en l’air. Il tourne, observe le sol. -"Tiens je me reconnais", il nous passe un coup de fil : -« je suis au-dessus de vous ! ». On le distingue tout petit dans les nuages. Il nous observe tout petits lui aussi. Deux heures passent à faire le tour des sites touristiques : Valmirande. Saint-Bertrand. Il faut toujours réfléchir où on est, et où on atterrit si nécessaire. Trois heures, la fatigue guette, ce serait bien de piquer un roupillon. Impossible, je n’ai pas de co-pilote ! Quatre heures et demie à guetter les ascendances pour remonter autant que l’on descend. Vous voyez, l’œil sur l’altimètre en permanence, écouter la radio, surveiller si un mec ne va pas débouler avec un Rafale pour en mettre plein la vue à sa meuf. Surveiller les buses. On ne peut se détendre tout à fait. On doit rester vigilant. Ca fatigue.

C’est alors que l’objectif de 5 heures consécutifs prend forme : il faut le faire un jour, alors pourquoi pas aujourd’hui ? Le soir, la soirée d’anniversaire où T. est invité est à 20 heures, il est 19 heures trente (heure européenne, au soleil il n’est que 17 heures trente). Il faut tenir trente minutes. Alors T tourne et retourne, laissant le temps au temps. Il s’agit de trainer un max, tout en remontant assez pour ne redescendre que le plus tard possible.

Pas de bol, avec le soir, les ascendances s’essoufflent, les buses sont rentrées au bercail depuis longremps, je vais devoir atterrir moi aussi. Au sol, les copains commencent à rentrer les planeurs. Le tracteur lui aussi est rentré. Comment retarder le retour ?

T tempère, traine, fait un ultime virage le plus long possible, pour atterrir le plus tard possible. Ca s’appelle « arrondir ». Il arrondit, et touche enfin, je vous l’ai dit, un avion ne reste jamais indéfiniment en l’air !

Tout le monde retient son souffle, que dit l’ordinateur, qui a tout enregistré, les heures, les tours, le circuit, le spécialiste imprime…Cinq heures…douze secondes !

Exploit enregistré !

Plusieurs minutes après vingt heures, notre T. arrive à la base, trempé : la tradition veut que le héros prenne un seau d’eau à chaque exploit. Personne n’a pensé là-bas qu’il allait arriver en retard à la petite cérémonie d'anniversaire, mouillé, fatigué, mais heureux.

on sèche T. 

on habille T de vêtements secs


Bravo T !