samedi 26 décembre 2015

Hommage à Jean-Marie Pelt

Jean-Marie Pelt est décédé mercredi 23 décembre, la veille de Noël. Il était né le 24 octobre 1939, exactement jour pour jour neuf ans avant moi. Ca fait réfléchir sur le temps qui reste ! Merveilleux vulgarisateur, il a toute sa vie raconté combien la nature est indispensable aux sociétés humaines.

Il était agrégé de pharmacie, un scientifique passionné de nature, à la fois biologiste et botaniste, deux matières qu’il a longtemps enseignées à l’Université. Une vocation à la croisée d’un savoir colossal et de son envie de le partager : « C’est quelqu’un qui a toujours été passionnant par son immense culture de la nature. C’était un pédagogue essentiel pour comprendre les fonctionnements de la biodiversité. Il savait parler à tout le monde » décrit François de Beaulieu, porte-parole des Naturalistes en lutte, interrogé par Reporterre.

Denis Cheissoux, ami de 25 ans du botaniste, anime la célèbre émission « CO2 mon amour » sur France Inter, dont Jean-Marie Pelt était un chroniqueur régulier. Interrogé par Reporterre, Denis Cheissoux dit que le professeur honoraire était un « encyclopédiste de la trempe des humanistes du XVIIIe siècle. Il a mené un véritable travail de relieur entre les fleurs, les animaux et les hommes. Il a énormément voyagé, et connaissait particulièrement bien le Moyen-Orient : il a herborisé en Syrie, en Irak, en Afghanistan, au Yémen, etc...»

« Formidable vulgarisateur » pour Antoine Waechter qui a régulièrement croisé sa route, Jean-Marie Pelt fut aussi un écrivain prolixe, avec plus de 120 publications scientifiques et une soixantaine d’ouvrages de botanique ou d’écologie. Parmi les plus connus, son Tour du monde d’un écologiste a connu un franc succès en 1990, avec plus de 100.000 ventes.

Reporterre s’est souvent fait l’écho de ses ouvrages, celui de son dialogue avec Pierre Rabhi ou lors de la parution des Carnets de voyage d’un botaniste : "Il va falloir choisir, et vite, entre la poursuite effrénée de l'évolution actuelle et aller droit dans le mur, ou changer de cap et aller résolument vers une autre civilisation, Homo sapiens contre Homo demens".

Figure de l’écologie reconnue par tous, Jean-Marie Pelt s’était rarement associé au mouvement de l’écologie politique. De la politique, il en a pourtant fait longtemps, à Metz, où il fut premier adjoint au maire pendant treize ans, de 1970 à 1983. C’est dans la cité lorraine, à quelques kilomètres de Thionville où il naquit en 1933, qu’il s’est fait une réputation internationale, qui lui vaut notamment le surnom de « Konrad Lorenz du monde végétal ». A Metz, il s’est fait le promoteur de l’écologie urbaine en lançant l’Institut européen d’écologie, en 1971, qu’il a présidé jusqu’à son décès. « Il a fait de Metz une ville-jardin plutôt qu’une ville éventrée par des autoroutes 2x2 voies. Jean-Marie était un homme de terrain, c’est lui qui a créé avec toute son expérience la dynamique de l’écologie urbaine » raconte Denis Cheissoux.

L’homme s’est cependant le plus souvent tenu en retrait du jeu politique. « C’est vrai qu’il s’en méfiait, il a vu très tôt la dérive des partis écologistes qui ont fait de la politique comme tous les autres – pas du tout autrement », confirme Denis Cheissoux. Cela ne l’a jamais empêché de prendre des positions politiques fortes – encore récemment, sur le projet de Notre-Dame-des-Landes auquel il avait redit son opposition le mois dernier. « Jean-Marie Pelt a toujours rappelé avec force l’absurdité environnementale de ce projet » souligne François de Beaulieu.


Scientifique, écrivain, vulgarisateur, conférencier talentueux, Pelt a multiplié les terrains, les supports et les activités différentes pour passer le message de la « beauté de la nature », selon les mots de Denis Cheissoux. « C’était un homme de conviction, et courageux, quand il a fallu mener le combat contre les OGM » se rappelle le présentateur radio. Dès 1996, Jean-Marie Pelt a dénoncé les biologistes jouant aux « apprentis-sorciers ». En mai 1996, précurseur, il avait tenu une conférence de presse au Museum d’histoire naturelle pour appeler au moratoire sur les OGM.

 Il avait ensuite participé à la création du CRII-GEN (Comité de recherche et d’information indépendantes sur le génie génétique), dont il fut longtemps secrétaire général. Il fut aussi « parmi les premiers à pointer les dangers de l’amiante » a par ailleurs rappelé hier Dominique Gros, actuel maire de Metz.

Dans ces luttes comme dans son travail d’écrivain, Pelt transmettait le même message : il faut repenser les rapports humains à la nature, les sociétés humaines ne peuvent pas vivre en méprisant les écosystèmes. « Son véritable combat, c’était de ravauder, au noble sens de la langue française, c’est-à-dire recoudre ensemble, raccommoder cette scission entre l’humain, devenu technicien de tout, et la nature, chaque jour un peu plus saccagée », analyse Denis Cheissoux. Pourfendeur du productivisme et de l’hyper-consommation, c’est la société technicienne que visait Jean-Marie Pelt. Dans le passage, qu’il déplorait, d’une agriculture de l’agronomie du paysan à la chimie des grandes multinationales, il voyait même quelque chose « d’immoral », disait-il encore en septembre dernier à « CO2 mon amour ».

Dans sa réflexion spirituelle, ce chrétien très croyant a toujours gardé un principe fondamental : « la foi en la vie », dit Denis Cheissoux. « Jean-Marie, c’était un sourire. Un type très jovial, qui avait une grande bienveillance à l’égard de son prochain ». Aux côtés de Pierre Rabhi – avec qui il travaillait encore à une suite à leur dernière conversation sur "Le monde a-t-il un sens ? "– d’Hubert Reeves ou d’Edgar Morin, Jean-Marie Pelt faisait partie des grands humanistes écologistes de ce début de XXIe siècle.






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c
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