samedi 13 septembre 2014

La bêtise de Joséphine


Encore un livre, après ceux de Duflot, et Valérie, (dont les ventes sont parait-il insolentes). Je sais que cela en énerve beaucoup, mais le samedi j’achète le Figaro, parce que j’y trouve le programme télé de la semaine, et qu’il existe deux magazines en sus : pour Monsieur : le Figaro Magazine, et pour Madame, le même au féminin. Chacun ayant lu le sien, on échange nos journaux, ce qui occupe agréablement le moment sur lequel je ne puis m’attarder, mais qui tous les matins consiste à m’isoler pour une méditation physiologique et solitaire.


Selon les uns Joséphine est le pseudo d’une ancienne militante socialiste, membre de cabinets ministériels. Décidément les femmes s’acharnent sur le Président ! Selon un distributeur, le membre de cabinet serait du sexe masculin, et il n’aurait fait qu’un seul cabinet, avant d’être éjecté le 25 septembre prochain, date de parution du bouquin (?). On a le droit de le réserver sur Amazon, mais pas celui d’être livré avant 12 jours. C’est sympa puisqu’entre temps, on a quelques autres bouquins à lire n’est-ce pas ?

Le Figaro (toujours critique et partial je le sais bien) reprend quelques lettres de l’alphabet, puisque le bouquin est basé sur ce découpage. A C il y a chômage. I improvisation. Et Joséphine s’amuse avec l’adjectif « normal »,à la lettre N,  estimant que de Gaulle et Winston Churchill n’auraient pu être normaux dans les circonstances où ils ont du prendre des décisions gravissimes. J’imagine qu’à la lettre P elle va commenter le pacte de responsabilité, mais déjà on devine qu’elle (à moins qu’il s’agisse de il ?) n’est pas d’accord, après que le Président ait fait voter une loi bancaire qui fait rire dans toutes les salles de marchés ! Entre-temps le Figaro (quel irrespect) évoque à R le mot Riche, prétendant que le Président ignore le prix des choses, puisqu’il vit dans un monde où il ne dépense rien alors qu’il peut mettre de côté l’intégralité de son salaire. Le pamphlet finit par Z, zéro : tous ces espoirs gâchés ; tous cet argent perdu ; ce retard pris par le pays.


Le pire, pense-t-elle, est que l’on s’habitue. Que la bêtise (voilà le titre) n’émeuve plus personne. Et que tout cela, comme le réchauffement climatique, fasse partie des catastrophes auxquelles on ne peut échapper, et surtout rien pour les contrer.

Les petits retraités sont en train d’être interpellés eux aussi, puisque étant en déflation on ne voit pas pourquoi on revaloriserait leurs (petites) retraites. Comme nous sommes en déficit, aucun problème toutefois pour revaloriser le minimum vieillesse ! Promis, juré, c’est comme si c’était fait ! (il s’agit de la dernière promesse, rien ne prouve qu’elle sera tenue… !)

Me demandant comment vous proposer un texte qui ne soit pas uniquement négatif, je tombe sur cette Fable 9 (du livre X) de Lafontaine qui m’avait échappé jusqu’à maintenant.

La voici, vous aurez lu grâce à lui quelque chose d’intelligent :

Le berger et le Roi

Deux démons à leur gré partagent notre vie,
Et de son patrimoine ont chassé la raison ;
Je ne vois point de coeur qui ne leur sacrifie :
Si vous me demandez leur état et leur nom,
J'appelle l'un Amour et l'autre Ambition.

Cette dernière étend le plus loin son empire ;
            Car même elle entre dans l'amour.
Je le ferais bien voir ; mais mon but est de dire
Comme un roi fit venir un berger à sa cour.
Le conte est du bon temps, non du siècle où nous sommes.

Ce roi vit un troupeau qui couvrait tous les champs,
Bien broutant, en bon corps, rapportant tous les ans,
Grâce aux soins du berger, de très notables sommes.
Le berger plut au roi par ces soins diligents.
« Tu mérites, dit-il, d'être pasteur de gens :
Laisse là tes moutons, viens conduire des hommes;
            Je te fais juge souverain. »
Voilà notre berger la balance à la main.
Quoiqu'il n'eût guère vu d'autres gens qu'un ermite,
Son troupeau, ses mâtins, le loup, et puis c'est tout
Il avait du bon sens ; le reste vient ensuite.
            Bref, il en vint fort bien à bout.
L'ermite son voisin accourut pour lui dire :
«Veillé-je ? et n'est-ce point un songe que je vois ?
Vous, favori ! vous, grand ! Défiez-vous des rois ;
Leur faveur est glissante : on s'y trompe ; et le pire
C'est qu'il en coûte cher : de pareilles erreurs
Ne produisent jamais que d'illustres malheurs.
Vous ne connaissez pas l'attrait qui vous engage :
Je vous parle en ami ; craignez tout. » L'autre rit,
            Et notre ermite poursuivit :
« Voyez combien déjà la cour vous rend peu sage.
Je crois voir cet aveugle à qui, dans un voyage,
            Un serpent engourdi de froid
Vint s'offrir sous la main : il le prit pour un fouet ;
Le sien s'était perdu, tombant de sa ceinture.
Il rendait grâce au Ciel de l'heureuse aventure,
Quand un passant cria : « Que tenez-vous, ô dieux !
« Jetez cet animal traître et pernicieux,
« Ce serpent ! - C'est un fouet. - C'est un serpent, vous dis-je.
« A me tant tourmenter quel intérêt m'oblige ?
« Prétendez-vous garder ce trésor ? - Pourquoi non ?
« Mon fouet était usé ; j'en retrouve un fort bon :
            « Vous n'en parlez que par envie. »
            L'aveugle enfin ne le crut pas ;
            Il en perdit bientôt la vie :
L'animal dégourdi piqua son homme au bras.
            Quant à vous, j'ose vous prédire
Qu'il vous arrivera quelque chose de pire.

- Eh ! que me saurait-il arriver que la mort ?
- Mille dégoûts viendront, » dit le prophète ermite.
Il en vint en effet, l'ermite n'eut pas tort.
Mainte peste de cour fit tant, par maint ressorts,
Que la candeur du juge, ainsi que son mérite,
Furent suspects au prince. On cabale, on suscite
Accusateurs, et gens grevés par ses arrêts :
« De nos biens, dirent-ils, il s'est fait un palais.»
Le prince voulut voir ces richesses immenses.
Il ne trouva partout que médiocrité,
Louanges du désert et de la pauvreté :
            C'étaient là ses magnificences.
« Son fait, dit-on, consiste en des pierres de prix :
Un grand coffre en est plein, fermé de dix serrures. »
Lui-même ouvrit ce coffre, et rendit bien surpris
            Tous les machineurs d'impostures.
Le coffre étant ouvert, on y vit des lambeaux,
            L'habit d'un gardeur de troupeaux,
Petit chapeau, jupon, panetière, houlette,
            Et, je pense, aussi sa musette.

« Doux trésors, ce dit-il, chers gages, qui jamais
N'attirâtes sur vous l'envie et le mensonge,
Je vous reprends : sortons de ces riches palais
            Comme l'on sortirait d'un songe !
Sire, pardonnez-moi cette exclamation.
J'avais prévu ma chute en montant sur le faîte.
Je m'y suis trop complu ; mais qui n'a dans la tête

            Un petit grain d'ambition ?


PS : pour la route, je vous ai ressorti Brel : je tente les auteurs incontestables comme vous voyez !