jeudi 27 mars 2014

Abbal – Lécussan

c'est la seule maison à un étage, mais ce n'est pas la bonne !



j’ai peur que ce soit la

fin de la quête !


J’avais raison dans ma théorie : quand on parle de la vie d’un artiste, il faut s’intéresser à son œuvre, certes. Mais son œuvre est souvent guidée par … sa femme !

Ainsi mon intuition était qu’André Abbal était bien l’apôtre de la taille directe, tout en ayant produit des bronzes comme tous ses confrères. Mais Berthe née Lécussan était bien sa femme. Son impresario. Sa comptable. Sa public relation. Elle se débrouillait pour obtenir certaines commandes. Pour les livraisons. Peut-être même pour faire payer le Maître ?

Sa petite fille Anne-Marie, quatre-vingt dix ans et toute sa tête, me raconte : « quand le Maire Monsieur de Pibrac a percé le boulevard du Midi, devenu Boulevard des Pyrénées, il est allé voir mon père, qui était déjà très fatigué : le Maire voulait édifier le monument à la gloire des Trois Maréchaux, et souhaitait le confier  à mon père. Ce dernier achevait « la femme et le taureau », et ne souhaitait pas entreprendre une nouvelle sculpture, trop fatiguant physiquement !

« Alors ma mère proposa au Maire d’orner son boulevard de la statue « la femme sur le taureau », et c’est comme ça qu’elle est arrivée à Saint-Gaudens ». Mais j’ignore par quel moyen de transport ! »

Anne-Marie se souvient bien de la maison de son grand-père maternel : Louis Lécussan. Son père à lui était meunier. Alors Louis était destiné à succéder à son père et être meunier à son tour. Mais en pension à Pamiers, voilà que le Principal du collège fait connaitre à son père que Louis valait mieux que cela. C’est comme cela que Louis poursuivit ses études, pour devenir professeur…de mathématiques au Lycée Leclerc.

Il fallait donc habiter Saint-Gaudens, pas trop loin du Collège pour s’y rendre chaque jour à pied. –« Je connais bien sa maison, puisque elle a été la maison d’enfance de ma mère Berthe », me précise Anne-Marie. Papa était locataire, et vivait au-dessus des propriétaires qui habitaient le rez de chaussée ».

Je ne risquais pas de trouver un locataire en consultant le cadastre !

« Le vendredi soir, il partait à Carbonne car sa vocation était de remettre en route le moulin de son père, sinistré par les inondations de 75. Il a réussi finalement à devenir meunier à son tour ! »

« Pour ne pas habiter trop loin, il avait trouvé un appartement rue de l’Isle. Du côté gauche en venant du centre ! Et pour vous y retrouver, il y a un repère : en face habitait une Demoiselle de Fos. Il y avait une arcade de pierre jaune, qu’on trouve à Furne, près de Boussens. Je me souviens bien de cette arcade : après la guerre, les Américains achetaient les cloitres pour les démonter et les transporter chez eux, et ils avaient envisagé de démonter celle-là. Un arceau roman. Ils n’ont pas réussi ! »

-« Trouvez le et la maison de ma mère sera en face, une maison toute modeste ».


Je me rends sur place, pas de chance, à la droite de la rue en question, il n’y a pas une, mais deux arcades de pierre jaune en façade. Laquelle est la bonne ? Me voyant photographier l’ancienne remise qui, les jours de marché, permettait aux paysans de stationner leurs charrettes, la coiffeuse me demande ce que je cherche. Un salon de coiffure est un endroit merveilleux pour raconter des histoires aux dames qui sèchent, je suis plus intéressant que le magazine qu’elles feuillettent et j’improvise une micro-conférence. Le monsieur d’une des dames-aux-cheveux-mouillés m’aborde : il connait l’ancien concierge du Collège, sans doute pourra-t-il m’aider ? Nous nous rendons chez lui, mais il est victime (vous voyez ce que je veux dire ?) de très-grosses pertes de mémoire. Sa femme, par contre, sait (presque) tout, et de déduction en déduction, j’aboutis aux conclusions suivantes :


1/J’ai bien trouvé la maison d’en face, avec l’arc roman, assez spectaculaire je dois le dire, et qui à lui seul vaut bien le détour. Il suffisait de pousser la porte de la façade après tout !

D’autres remises comme celle du salon de coiffure existaient dans la rue, certaines ont été démolies, transformées en parkings.

2/En face, la maison d’en face n’existe plus ! Encore une cour, avec des garages ! A côté, un petit immeuble, des années 60 : si maison (modeste) il y a eu, elle a du être démolie, vous pensez depuis 1930, il s’en est passé des choses !




















3/Mais l’emplacement existe, avec les souvenirs. Mon projet était d’apposer une plaque. En marbre de Saint-Béat, on ne connait que ça ici. Je la ferais graver (à la soufflette) par le préposé aux pompes funèbres, qui m’a déjà fait ça pour pas cher. J’y mettrais cet hommage à la femme d’André qui vaut pour toutes les femmes d’artistes :







Ici a vécu Berthe Lécussan
fille de Louis, professeur de mathématiques
au Lycée Leclerc dans les années 1920
Epouse d’André Abbal, l’auteur de la statue d’Europe
et du Monument aux morts de 1914 du Collège


les immeubles disparaissent


mais le souvenir reste !

j'ai bien peur que ce soit là...!