vendredi 7 février 2014

La mosaïque de Lillebonne



ou la chasse à courre...

...des kalètes

Nous sommes au Musée départemental des Antiquités (de Rouen). Retour aux origines. S’il n’y a pas trace des romains là où je séjourne, c’est que je me suis trompé d’endroit. Nous sommes en 1831, il existe à Rouen un Préfet d’Empire, Dupont-Delporte, et il souhaite créer un cabinet des Antiques, pour y rassembler les objets nombreux issus de fouilles, notamment du théâtre antique de Lillebonne. Juliobona, pour rendre hommage à Jules César. Juliobona est située sur la Seine, un carrefour privilégié, nous dit Strabon, de la navigation vers le Sud par le Rhône donc vers Arelate ; et vers l’Angleterre, conquise par Claude en 42, mille ans avant Guillaume le Conquérant !
 


On ne dit pas comment notre Préfet achète l’ancien couvent de la visitation Sainte-Marie (XVIIè) pour accueillir le musée. Toujours est-il que l’on retrouve le jardin au centre du cloitre périphérique. Avec ses plantations enfermées dans des fascines. Et que les côtés sont astucieusement remplis de vitraux : on peut comme autrefois déambuler sous les voutes gothiques, mais on est à l’abri de la pluie (inutile de vous dire qu’il pleut dehors) ; au chaud ; imbibé de la lumière des vitrines et surtout des vitraux.

Un lieu magique, une ambiance irréelle, rarement vécue dans un musée, je vous conseille de vous y rendre, il n’y a personne, et les gardiens-gardiennes désœuvrés nouent aisément la conversation. C’est comme cela qu’une (jolie) normande-bilingue-latin-grec me traduit les inscriptions.
 


J’entre dans la salle consacrée à la Gaule Romaine, Roman Gaul pour les visiteurs étrangers, dont le centre encaissé abrite la mosaïque. Au milieu, un couple, on dirait Daphné, (ou bien une nymphe car elle a laissé chuter un vase d’où pourrait couler une source). S’il s’agit de Daphné, le monsieur est Apollon. S’il s’agit d’une nymphe, il s’agit de Dionysos. Nu également, des feuillages dans les cheveux, un bâton dans la main droite. Ce qui est unique : les inscriptions en latin naturellement : dessous : T AMOR CK Disciplinus. Amor est-ce son nom ? Il est disciple du personnage cité en haut. C c’est citoyen. K signifie « des kalètes ». C’est le pays de Caux ! Citoyen cauchois ! Ouais…me voilà gallo-romain !!








 










Qui est le patron dont notre Amor est le disciple ? Titus Sennius Felix, citoyen de Pouzzoles (puteslanus) , F (fécit). Eh bien, notre romain ne cache pas son origine pur-italienne ! Comme il a du s’embêter loin de son pays dans la grisaille pluvieuse du pays cauchois ! Pour que Daphné et Apollo soient nus, la scène se passe en été forcément. Sous les pommiers en fleurs, les romains connaissaient-ils le camembert et le cidre ?



Il y a le centre, et il y a le pourtour : le thème est le suivant : vous élevez un cerf, qui est donc apprivoisé, tenu par un licol. Comme pour la chasse aux canards, vous le transformez en appelant : posté dans la forêt, il attire ses congénères. Les chasseurs sont à cheval, entourés de chiens, arc et flèches, et rabattent les cerfs sauvages vers l’archer. Celui-ci d’une flèche abat le gros gibier : une chasse à courre, presque comme aujourd’hui !


Bien entendu, avant la chasse on a offert un sacrifice à Diane, Diane la chasseresse : la mosaïque figure une statue de bronze (il faut le faire) sur son piédestal. Des offrandes lui sont offertes. Après se déroule la chasse. Enfin, je parie que l’on offre quelques reliefs aux chiens, pour : « la curée »,  avant que les chasseurs fassent bombance ! Cela s’appelle « la troisième mi-temps » !



Les gallo-romains nous ont laissé d’autres vestiges : plein d’objets en bronze. Un char ou plutôt les ferrailles qui en restent, dont des mors de chevaux, les mêmes qu’aujourd’hui. Des verres (antiques of course) qu’on dirait pour certains Art-déco.















Je vous laisse sur l'exposition de trois statuettes « tanagra »

en terra cotta, d’une précision fabuleuse

Qu’a-t-on de mieux aujourd’hui, que nos ancêtres romains ?