dimanche 12 août 2012

Ca chauffe à Villeneuve Lecussan


Vous ne trouverez pas grand chose sur internet concernant Villeneuve-Lécussan, petit village de Haute-Garonne : nous sommes entre gens « normaux » du 31 (pas du tout sur leur 31, et les silhouettes rondes sont majoritaires), locaux, mécaniciens et agriculteurs, et tous les ans a lieu le premier dimanche d’août la fête des battages : occasion de ressortir de leurs granges les vieilles remorques de bois, tirées par les vaches coiffées du joug. Les vieux moteurs. Les vieux paysans qui parlent encore à l’oreille des vaches. La consécration étant la sortie par Gilles Monill de sa dernière machine à vapeur.

Lui, parle à l’oreille des locomobiles.


chacun reçoit dans la paume un coup de
tampon de l'Avenir sportif !




Comment vous dire : vous connaissez le musée Schlumpf, à Mulhouse, le temple de la belle voiture d’avant-guerre, et de la marque Bugatti ? Vous savez nos amis britanniques fans de live steam, chez nous de machines à vapeur-vive, qu’ils réunissent dans des fêtes immenses, après s’être baladés sur les petites routes (en roulant à gauche qui plus est) avec d’immenses tracteurs à vapeur, des locomobiles ?

Le père de Gilles était ferrailleur. Un métier permettant au fil du temps de récupérer toute machine obsolète, faite de métal, pour recycler la matière première. C’est comme cela qu’ont disparu presque toutes les locomotives (sur rail) et locomobiles (sur route)  françaises, « à la ferraille ». Figurez vous que le père de Gilles aimait les machines routières ou fixes servant aux travaux agricoles. Et dès qu’il en trouvait une à « ferrailler », il l’achetait, mais au lieu de la démonter, l’entreposait. Serrée contre la précédente dans un premier hangar. Puis un second. Un troisième. Il m’est arrivé dans une vie antérieure où je pratiquais la « live steam », et vivais dans le Gers, de visiter Gilles à Laas où il réside, d’escalader, en grimpant sur les rayons des énormes roues, la cabine d’une locomobile, c’est à dire très haut, pour  dominer le rassemblement inouï de machines juxtaposées, serrées, et finalement sauvées.























  















Car le défi de Gilles, qui a succédé à son père, est de préparer tous les ans une machine nouvelle. Il a acquis au fil du temps tous les outils vendus à la casse, des tubes de chauffe ; des pièces détachées ; des clés ; des tarauds parfois immenses. Qui ne valaient plus rien. Non seulement il dispose ainsi du musée Monill de la machine à vapeur, mais de tous les accessoires qui vont avec. Vous savez que notre fabrication française était réalisée par la SFV, la société française de Vierzon, dans des hangars conçus par Eiffel, et que nous produisions de petites machines fixes Merlin, qu’il fallait tracter sur place.

Pas comme les gros tracteurs anglais ou américains. Justement, il possède plusieurs de ces fabrications étrangères conçues spécialement pour l’exportation vers la France, vers les vignobles de Bordeaux par exemple, ou pour de gros labours dits « au treuil », et qui n’existent plus dans leurs pays d’origine ! On vient lui marchander sur place, pour rapatrier le John Fowler notamment ! Il résiste !

Quel homme !




























Et tous les ans, il exhibe sa dernière restauration à Villeneuve-Lécussan. Les connaisseurs se rassemblent autour de la machine. La chaudière alimentée au chêne sec s’enflamme. La vapeur commence à sortir. Et la machine qui est gigantesque et pèse des tonnes se met en route avec aisance, dans un silence extraordinaire, de simples chuintements, des respirations, des soupirs cadencés, le merveilleux bruit de la vapeur, dans l’odeur enivrante de l’huile chaude !  On est fascinés comme devant les engins du Royal de Luxe à Nantes. Mais ce n’est pas Nantes, nous sommes à la campagne, et il n’y a pas de journalistes !

Pas besoin de célébrité pour être heureux, l'ambiance avant-guerre suffit, et après avoir bien admiré les locomobiles, les mille visiteurs font la queue en attente du banquet (je me demande si la majorité ne vient pas que pour ça), pour partager l’amour d’autres vapeurs : le clou, reste le repas du midi (il y en a un autre le soir pour les récidivistes) avec force vins ; canards ; poules et confits. Le légume roi, est le haricot, dont on se gave, avec une certaine malice, en en assumant toutes, je dis bien toutes, les conséquences, fussent-elles collatérales comme on dit dans le langage des armées ! Les tracteurs font assez de potin pour camoufler les pétarades de ce grand orchestre mécanique !


On s’amuse bien à la campagne ; on chauffe les poules au pot ; on chauffe les chaudières pour faire de la vapeur ; on chauffe l’ambiance ; l’orchestre joue « Hello Dolly, c’est magnifique », et sous le hangar, il fait très, mais très chaud.


on fête les copains, on boit du vin… !

on se frotte aux grosses dames…

…et de temps en temps, on entend le sifflet :

tiens, c’est le Fowler de Gilles qui chauffe !



c’était l’année dernière :